IV-Le Temps de se lever
Elle est venue la leçon de la terre
Qui tremble et fait trembler les cœurs,
Emportant dans sa commotion un flot de vies
Elle est venue la leçon, avec force surprise
Et nous avons eu l’impression que le temps
Avait cassé sa courroie de transmission
Que tout était fini
Elle est venue la leçon de la terre,
Terrible, violente et rapide
Et le bruit de la terre qui revient
Par intermittence
Ronge les cœurs les plus fragiles
Et démonte silencieusement
Les esprits en convalescence
Partis en poussière tant de repères de pisé
De Port-au-Prince ensoleillé
Chute de châteaux de cartes
Perdus tant de repaires urbains
Où l’on virait souvent pour passer une nuit
Passée la catastrophe humaine
Avec son invisible corbillard à places multiples
Les larmes courent pour sortir
Mais rencontrent la poussière virulente des rues
Et les odeurs de corps qui se désagrègent
Avec le souffle au ralenti
Port-au-Prince ne peut pas se relever
D’un simple battement des yeux
D’une douce phrase même mal fondée
La terre tremble
Les jours se rétrécissent
Mais seront-ils plus beaux les jours qui viennent
Le temps s’étire sans bouger
Elle est venue la leçon logée dans la terre
Venue rapide, en mode subit
Reste la vie dans ses bases élémentaires
Le sommeil en contact direct avec la terre
Comme pour refaire une communion
Perdue dans le sillage du temps
Reste le semblable sur qui on peut encore compter
Et avec qui on doit compter
Reste l’avenir à retracer de mains nouvelles
Et le bruit de la terre qui vient, revient
Sans avertir
Mine les volontés les plus fragiles
Et retourne sourdement
La catastrophe de la vision
Port-au-Prince: Haïti
Port-au-Prince refera ses roues
Pour pouvoir continuer à rouler
Port-au-Prince : Haïti
Port-au-Prince remodèlera son chant de coq
Pour continuer à regarder le jour dans les yeux
Il est venu le temps de regarder le temps en face
Dans le blanc des yeux et de rythmer les jours
Le temps de profiter de la lumière
D’élire domicile dans les rayons du soleil nôtre
Afin de configurer des lendemains saufs
Pour les rêves de nos progénitures
et conjurer les revers de nos déboires
La violente leçon est venue de la terre
Celle qui nous est si chère et nous achève
Celle qui nous a vu naître, nous a bercé
Cette terre arrachée dans le sang des ancêtres
Et le vouloir de liberté
Mais que vaut une terre
Si elle ne nourrit pas son terrien propre
Que vaut un terrien s’il ne chérit sa terre mère
Et ne fait son bonheur
Nul ne peut se prévaloir
D’une appartenance en déficit de jouissance
La vie sera toujours ce fleuve intarissable
Par lequel passent tangiblement d’époustouflantes étrangetés
Ce fleuve dans le flot duquel
Vont se lessiver et vivre les existences infectes
Port-au-Prince: Haïti
C’est vraiment le temps de grandir
De prendre le soleil par ses rayons
De partir du pied qu’il faut
Et d’ériger un pays neuf de lumière
Où les dieux resteraient à leur place
Et ne cadenasseraient pas les entendements
Où la haine et l’ennui
Se conjugueraient à un mode personnel
Léogâne: Haïti
Et le bruit de la terre qui tourne, retourne
Et libère les énergies cosmiques
Prend place dans l’imaginaire
Maculant les rêves d’une ombre anonyme
Il est venu le temps de saisir le temps
De rattraper le temps perdu
Dans les cérémonies de rien du tout
De dépasser les incohérences et les torsions du jour
Et de partir à la conquête des cicatrices inconquises
Le temps d’émerger de l’abîme et des clichés abîmant
La violente leçon ayant vocation de lever le voile .D’aérer l’instant d’un coup de verbes
Et d’aller sur lignes fermes à la rencontre des choses possibles.
Par Duckens Charitable